Les technologies révolutionnaires utilisées dans le secteur bancaire ont souvent été développées par des acteurs institutionnels. L'arpanet, ancêtre de l'internet, a été développé par le ministère américain de la défense, le SHA256 et d'autres normes cryptographiques ont été développées par la NSA, etc. En opposition, les premiers cryptos actifs basés sur des blockchains et d'autres technologies décentralisées sont nées des communautés open source.
Ces technologies pourraient sans aucun doute profiter au secteur bancaire. En effet, les technologies blockchain offrent une grande transparence et une grande adaptabilité, ce qui est un must have dans les systèmes bancaires.
La question se pose donc maintenant. Comment ces deux mondes aux idéologies diamétralement opposées peuvent-ils se rejoindre, afin de faire profiter des qualités de la blockchain au système bancaire ?
La genèse de l'idéologie Bitcoin
A l’aube des blockchains et des crypto actifs, la communauté était faite d’un mélange de développeurs, de grey hats, d'anarcho capitalistes, et tout un éventail d’idéologies libertariennes. Cette communauté hétérogène s'est ralliée autour de la première version décentralisée et électronique du cash, à savoir le Bitcoin, qui a vu le jour juste après la crise financière de 2008. Les gens ont perdu leur emploi, leur maison, leur voiture, etc. Si vous lisez ceci, vous avez probablement été touché d'une certaine manière aussi. Après une telle catastrophe, le monde entier cherchait des réponses et surtout un coupable.
La conclusion naïve qui est ressortie de ce "tribunal populaire" est que le système bancaire dans son intégralité était responsable de la crise. C’était la faute des banques. Cette idée a déteint sur la communauté, et Bitcoin est né ! A ce stade, la majorité de la communauté blockchain pensait que si la politique monétaire était régie par un protocole autogéré et décentralisé, alors on ne connaîtrait jamais plus de crise financière. La communauté voyait en Bitcoin une alternative aux banques.
Une approche plus mature
Rétrospectivement, le système bancaire lui-même a été à la fois la maladie et le remède. Bien qu'il ait été responsable de prêts à haut risques, d'une évaluation incorrecte des risques et de nombreux autres faits, des politiques monétaires non conventionnelles telles que l'assouplissement quantitatif ont joué un rôle énorme dans la réduction de l'impact de la crise.
Qui est donc à blâmer ? Et bien, comme vous pouvez vous en douter, plusieurs acteurs portent une part de responsabilité, et il faudrait bien plus qu'un seul article pour expliquer pourquoi cette crise a eu lieu. Mais, si nous devions résumer de manière concise les causes de cette crise on citerait :
- Le manque de régulation et de réglementation
- Le manque de transparence
- Le manque d’audit et de forecasting
Et qu'en est-il de notre crise actuelle ?
Actuellement, le monde est confronté à une crise sanitaire majeure et sans précédent. Sans aucun doute, cette crise aura un impact important sur notre économie. La FED prévoit déjà d'injecter 1500 milliards de dollars pour soulager la situation, tandis que le président français Emmanuel Macron a annoncé un plan d'urgence de 45 milliards d'euros. La plupart des pays semblent suivre cette tendance.
Ma question est donc la suivante : comment un protocole autonome, auto-gouverné et où le code fait loi pourrait-il faire face à de telles éventualités ? Comment peut-on lancer un plan de sauvetage si personne n’a la main sur la politique d’émission monétaire ?
En résumé
Il y a deux points à rappeler ici :
- Le système bancaire dans son ensemble n'est pas responsable de la crise financière de 2008, c'est l'opacité, le manque régulation et la mauvaise gouvernance qui le sont.
- Nous avons besoin d'une autorité suprême pour réguler la finance dans les cas où les prévisions sont inutiles, comme les épidémies ou les catastrophes naturelles.
Une fois ces conclusions tirées, il est temps de faire le point sur ses convictions anti-systèmes (du moins concernant les politiques d’émission monétaire). Le but premier de la décentralisation de la monnaie était de se débarrasser des institutions financières, et si vous lisez entre les lignes, c'était pour éviter les crises financières. A un moment donné, "se débarrasser des institutions financières" et "éviter les crises financières" se sont mélangés, nous menant dans une guerre idéologique futile "Bitcoin contre les banques". Mais nous avons au passage oublié le but commun à la genèse du Bitcoin ; accéder à la stabilité financière.
Il ne semble pas qu'un protocole décentralisé et autogéré puisse gérer toutes les éventualités auxquelles nous sommes confrontés dans le monde réel. A l’opposé, un système bancaire totalement centralisé et opaque nous conduira certainement à une nouvelle crise. Mon point de vue est que la solution pour une stabilité financière se situe quelque part entre ces deux extrêmes et que les technologies blockchains sont de bonnes candidates pour aider à trouver cet équilibre.
La rencontre des deux mondes
Nous avons entre nos mains une technologie qui permet une grande transparence et une grande adaptabilité. A mon sens, notre rôle en tant que communauté blockchain est de fournir cette technologie au système bancaire, dans le but d’aller vers une plus grande stabilité financière.
Bonne nouvelle, la Banque de France, vient de lancer un appel à candidatures pour des expérimentations de monnaie numérique pour règlements interbancaires. L'objectif du projet est d'explorer la possibilité d’utiliser une blockchain pour les règlements interbancaires.
C'est une opportunité sans précédent pour la communauté blockchain d'utiliser cette technologie comme une force et une solution pour le bien commun. L'opacité des systèmes actuels nous a conduit à des crises financières, mais les technologies blockchain pourraient améliorer la situation.
Grâce aux mécanismes de chiffrement et de contrôle les blockchains garantissent la transparence en stockant les informations de manière à ce qu'elles ne puissent être modifiées sans enregistrer les changements apportés. Grâce à la capacité de la technologie à prouver à des tiers - de manière cryptographique - que les données sont immuables, elle a le potentiel de rendre les paiements plus transparents et les systèmes plus responsables.
TL;DR
Les technologies blockchains ont d'abord été développées comme un outil anti-système. Au lieu de combattre le système dans son ensemble, les blockchains pourraient changer la façon dont les systèmes fonctionnent, pour le bien commun. Je pense qu'il est grand temps pour la communauté blockchain de passer d'une idéologie révolutionnaire à une idéologie réformiste. La blockchain pourrait profiter au système bancaire d'une manière éthique, car nous poursuivons tous le même objectif : la stabilité financière.